mercredi 26 septembre 2007

La confiance

Je me devais de remédier à la pénurie de chroniques de type Faits étonnants: pour reprendre le rythme, en voici donc une boulimique, pleine de tirets, de parenthèses et de digressions - bref une rubrique pleine de phrases qui n'en finissent pas (des phrases à la Marcel Pet - mais avec moins de vocabulaire! -, cet auteur encensé par la critique et déjà mentionné dans la chronique Harry et moi).


Bref: la confiance. Pour se mettre en contexte, il suffit de se reporter quelques semaines en arrière, à une époque où je ne pouvais encore goûter aux plaisirs de la connection internet qu'au bureau, et encore seulement furtivement - entre deux simulations par exemple, ou durant la pause du dîner au risque de projeter des miettes de pain partout à l'intérieur du clavier. J'attendais impatiemment mon modem. Un de ces matins, donc, un postier allemand bien intentionné arrivait rue Carl-Orff-Bogen avec un paquet à la main. On se l'imagine marchant d'un bon pas, ralentissant graduellement en arrivant sur le perron, le doigt se dépliant promptement et se tendant vers la sonnette, mû par l'automatisme du livreur. Quand, soudain, "Scheiße! Die Klingel ist defekt!" - on se rappelera que c'est un postier allemand - ou en d'autres termes: "Ventre-saint-gris! La sonnette est défectueuse!" (notez au passage l'originalité des interjections allemandes). Que faire? Le problème semble insoluble, mais notre postier est plein de ressources et trouve bientôt la meilleure solution, qu'il exécute sans plus attendre. Son rôle dans l'histoire maintenant terminé, on peut à présent se l'imaginer guilleret et disparaissant peu à peu dans une pénombre grandissante. C'est fait?

Plan suivant: j'arrive du travail et je trouve un petit papier dans la porte. On se rappelle que j'attends un modem. Le papier est évidemment du charabia pour moi, mais je parviens à isoler le mot Paket, ce qui me procure un petit frissonnement de joie intérieure qui survient chaque fois que je comprends un mot nouveau dans le foisonnement dénué de sens que forment les lettres environnantes. Habituée aux idées québécoises, je comprends qu'après une première tentative ratée, le colis devrait m'être livré dans les prochains jours. Mais un jour passe, puis deux, ... Rien. Je prends alors une grave décision, celle de m'initier en allemand à un sport que je n'aime déjà pas pratiquer en français: le service à la clientèle. Je téléphone donc. Surprise! Pas de messages publicitaires en boucle, pas de reprises langoureuses au saxophone de vieux succès de la pop, seulement un "Hallo?"... Et blablabla, je n'ai pas reçu le Paket, et blablabla, mais si, nous avons remis votre Paket, et blablabla, mais à qui, je ne l'ai pas reçu, et blablabla, à un de vos voisins. "Pardon??? Vous avez donné mon Paket à un inconnu?" "Genau".

J'ouvre ici une parenthèse sur le mot "Genau", qui signifie "Exactement": c'est le premier mot que j'ai réussi à isoler du discours allemand; il est tellement utilisé! Je me promenais et tout ce que j'entendais, c'était: "Genau". Dans le parc, "Genau". À l'épicerie, "Genau". Dans les toilettes publiques, "Genau". J'avais la même sensation que doit ressentir John Malkovich lorsqu'il entre dans sa propre tête dans le film "Being John Malkovich", si vous voyez ce que je veux dire. Fin de la parenthèse.

Donc, nous sommes au téléphone. On a remis mon colis à un étranger. Il semble que ce soit tout à fait normal! Après avoir demandé le nom de l'étranger en question et avoir abusé du temps (et des ressources linguistiques!) de certaines personnes sympathiques de notre immeuble, nous avons enfin trouvé Monsieur X et le colis. Pas dans un appartement sur le même étage que le nôtre. En fait, même pas dans le même immeuble. Quelque part, sur notre rue. Le colis était intact.

Ici, les gens semblent se faire confiance. J'ai vu des (belles) bicyclettes sans cadenas. On entre, comme ailleurs en Europe d'ailleurs, dans le métro et l'autobus librement - les billets doivent être achetés à l'avance (je n'ai vu des contrôleurs qu'une fois). Est-ce que ça serait possible à Montréal?
La confiance: das Vertrauen

4 commentaires:

Sylvie a dit...

Ahhhh!

Tu m'enlèves les mots de la bouche! Je sais qu'on en avait un peu discuté à Zeuthen, mais je suis tellement d'accord avec toi!

Je pense qu'en général les Québécois ont l'esprit plus facilement tourné sur "crosser le système" que les Allemands!

Je suis presque certaine que leur système de bus s'effondrerait s'il était à Montréal par exemple... Personne n'achèterait de billets!!!

Je suis aussi traumatisée par le "gué-now" (que j'écris différemment par contre!), qui a été également le premier mot allemand que mon oreille a su reconnaître parmis tous les mots incompréhensibles!!!
ahhhhhh!

Marie-Hélène a dit...

Oui, comme on s'en parlait, je me sens seule à avoir des idées "pas bien", même si je ne les mets pas en pratique! Un exemple: il y avait à Zeuthen une affiche qui offrait plus de 1000 euros (5000 je crois!!) si quelqu'un en dénonçait un autre qui faisait un graffiti. La première chose à laquelle j'ai pensé: "Et c'est combien, l'amende pour faire un graffiti?" - ça aurait peut-être valu la peine de s'organiser (on jase là, comme dirait l'autre)! Mais mes collègues n'ont pas semblé trouver cela drôle... :-(

Unknown a dit...

mais dis donc, quel style littéraire !
on en veut d'autre !!

Marie-Hélène a dit...

Tiens, tiens, un commentaire de Simon ...
Oui, Simon, il y en aura d'autres :-p

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